On parle mieux des choses lorsque l’on s’en éloigne, je suis au Portugal alors je parle de la France.
Ce petit bistrot sur la place de l’église à l’ombre des platanes où l’on boit son café, ce prétexte à languir sous le soleil qui tangue dans le bourdonnement des sons et des images, tonitruance et chuchotements indiscrets, ombres blanches qui se faufilent et chatoiements de couleurs qui se profilent, effervescence d’un village…
Le boucher, son couteau, le quincaillier stylo sur l’oreille,
le boulanger caché et sa femme en vitrine,
le buraliste, le coiffeur, le primeur ou bien le fromager,
jusqu’au cordonnier qui refait des clefs, ou parfois le petit magasin de sport qui fait aussi tabac…
On ne vient pas seulement chercher son pain ou son poisson, on vient rencontrer, rire, parler, boire un coup, échanger, vivre…
Que reste-t-il de nos villages ?
Où sont partis tous les bistrots, ces lieux où l’on pouvait s’asseoir sans forcément consommer ?
Il n’y a même plus de bancs publics, maintenant les amoureux se bécotent à la grande surface ou au drive, le centre ville n’est plus au centre.
Et puis maintenant on crache sa colère sur les réseaux sociaux sans plus de limite, sans plus de modération bienveillante, on ne s’écoute plus, l’agora devenue virtuelle est cruelle et lâche.
C’est pourtant l’humanité toute entière qui est au centre du village.
Alors pourquoi tous nos villages se dépeuplent-ils ainsi de leur vie, de leur activité ?
deux raisons qui n’en font qu’une :
– Désengagement de l’état, c’est simple et prouvé : si tu enlèves les services publics, les écoles, la poste, les trains, les hôpitaux, et même les mairies (politique de regroupement des communes), alors les petits commerces ne tiennent plus.
– Engagement et ruse du gros marchand, comme si de rien n’était, comme par hasard, les géants distributeurs de supermarchés te proposent leur centre ville privé qui n’est pas au centre, et, pire, place de la mairie, des distributeurs de produits frais, tu peux acheter du pain frais pétri par ordinateur, des légumes bios en plastique, dans des boites automatiques à tiroir, H24 bien sûr.
Connivence des deux ? Qui fait quoi ?
Alors par exemple, parmi tant d’autres, et covid n’aidant pas, Stéphane Foullounoux nous la fout, sous la porte, patron du Catalina, bar rock’n’roll à Chammes, épicerie, tabac, étalages vides, cartons au milieux des cymbales, tables vides pleines de paperasses et les tontons flingueurs à genoux dans l’église qui pendouillent en photo de travers sur le mur…
La France rurale se meurt et avec elle une sorte d’humanité…