Goût gueule

Oh Dieu, goût, gueule !

Quand il pleut sur moi tu me proposes un parapluie par internet,

quand je suis dans les bouchons tu me vends un scooter,

quand je suis dans une brocante tu m’envoies vers le bon coin,

et quand je tonds ma pelouse tu me proposes du round up.

Oh Dieu, goût, gueule !

Tu sais à quelle heure je me lève et me couche,

tu sais quand je lis mes messages et tu les lis,

tu sais interpréter les commentaires que je laisse,

Au fond, Toi, tu sais mes opinions, ce que je pense.

Gogole !

Tu sais à quelle heure je dors ou pas,

tu sais quand j’achète quoi où,

et tu me vends du savon quand je prends ma douche,

 
Glouglou !

Toi, tu sais où je suis à tout moment,

tu peux enregistrer tout le son et l’image de ce qui m’entoure,

Tu sais tout de moi,

Toi, au moins : tu m’écoutes et tu me comprends.

Tu me donnes des conseils, tu diriges ma vie,

je t’appartiens, tu fais de moi ce que tu veux !

tu es di(x)-yeux, Dieu !

Mais ? odieu gloulag, un doute massaï,  l’agnosticisme me hèle, le pyrrhonisme m’admoneste !

Car par exemple, sur ta carte mondiale satellite, les plaques des autos et les visages sont floutés,

d’accord oui merci pour l’anonymat, mais les fichiers non floutés où sont-ils ?
 
Tu les as forcément n’est-ce pas ?
 
Ah bon, tu les as effacés ? Mais peux-tu le prouver ?
 
Non, impossible, car on ne peut pas prouver qu’on a effacé…
 
Donc tu les as ?

Mais alors, Gogole, avec tous ces savoirs que tu as de moi,

tu les réunis, tu les analyses, tu tries, tu évalues, tu en tires parti, avec ton “intelligence” artificielle,

et je vois bien que chez mon voisin, pour les mêmes mots clefs, tu ne donnes pas la même réponse, tu personnalises.

Mais alors, que fais-tu de ces méta-données, de ces big data ?

Car ça a de la valeur de tout savoir sur moi, de me connaître entièrement,

tu as dit aux marchands de brebis que j’aimais l’Ossau Iraty, c’est ça ?

Je ne peux même pas t’écrire sans que tu le saches…